À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation est tiré de l’article de Lucienne Martins-Borges, Mariá Boeira-Lodetti, Valérie Hamel-Genest, Marie-Elisa Fortin, Gabrielle Robert, Stéphanie Arsenault et Lucille Langlois, « L’adaptation des services à la Clinique santé des réfugiés de Québec : une réponse aux impacts de la pandémie de COVID-19 chez les personnes réfugiées », publié en 2023 dans Refuge, volume 39, no 1, p. 1–15.

  • Faits saillants

  • En raison de facteurs de risque spécifiques, notamment les conditions de vie, certaines populations comme les personnes réfugiées, ont été considérablement plus exposées au virus COVID-19.
  • Les personnes réfugiées ont fait face à un défi double pendant la pandémie : s'adapter à leur société d’accueil tout en naviguant dans les complexités liées à la COVID-19.
  • Bien que les consignes de santé publique concernant la COVID-19 aient été largement diffusées, les personnes réfugiées ont pu se retrouver particulièrement vulnérables à cause des barrières linguistiques limitant l'accès à ces informations cruciales.
  • La réorganisation et l’adaptation rapide des services de santé pour les personnes réfugiées a permis de mieux répondre à leurs besoins pendant la crise sanitaire.

Le mois de mars 2020 reste gravé dans la mémoire collective comme le début d’un état d’urgence de santé publique. À l’arrivée de la COVID-19, la situation évolue rapidement, entraînant la mise en place de diverses mesures de protection, telles que le port du masque et les confinements. Mais qu’en est-il des familles réfugiées récemment arrivées au Québec? Elles voient les impacts de la pandémie se multiplier dans leur quotidien déjà bouleversé. L’accès aux services, compliqué par leur statut précaire, devient encore plus difficile. C’est dans ce contexte qu’une clinique de la Ville de Québec s’est donné pour mission d’adapter ses services aux familles nouvellement arrivées au pays.

Une équipe de recherche de l’Université Laval et du CIUSSS de la Capitale-Nationale s’est lancée dans une étude exploratoire, afin de mettre en lumière la manière dont la Clinique santé des réfugiés de Québec a répondu aux besoins particuliers des familles réfugiées pendant les première et deuxième vagues de la pandémie. Pour comprendre les besoins liés à l’adaptation des services de santé afin de mieux desservir les familles réfugiées, les intervenant·e·s de l’équipe de la Clinique ont été interrogé·e·s au sujet des différents aspects de l’adaptation de leurs services à l’arrivée du virus, des réactions émotionnelles et des besoins psychosociaux des usagers et usagères, de l’impact des interventions ainsi que sur leur propre expérience. Un outil de dépistage, élaboré par des travailleuses et travailleurs sociaux, des médecins et des psychologues spécialisé·e·s, a été utilisé pour évaluer l’état général de santé et de bien-être des usagers et usagères de la Clinique, et mesurer l’efficacité des interventions. Instauration d’un nouvel outil de dépistage, adaptation rapide des services, et appels téléphoniques sensibles aux besoins des familles : la Clinique santé des réfugiés de Québec a prouvé son engagement et son efficacité en pleine crise sanitaire.

Pandémie : risque intensifié pour les familles réfugiées

Bouleverser son existence pour s’établir ailleurs, ce n’est déjà pas évident. Mais quand ce changement se fait en situation de pandémie, c’est une véritable tempête! Et cette position vulnérable peut être exacerbée. Comme le souligne un·e intervenant·e de la Clinique aux sujets de personnes réfugiées nouvellement établies : « Il y en a qui arrivent déjà très vulnérables, parce qu’ils ont eu un parcours migratoire très difficile. Si on arrive d’un pays en guerre, qu’on a des séquelles psychologiques et qu’en arrivant ici on est déjà très fragile, ajouter le stress d’attraper un virus qui est potentiellement mortel, ça vient ajouter plus. » Affronter les défis inhérents au statut de réfugié ainsi qu’à la COVID-19, c’est être pris entre le marteau et l’enclume, avec un stress qui peut atteindre des sommets.

Les personnes réfugiées sont aussi souvent victimes de conditions de vie précaires à l’arrivée au pays. Et, la fermeture de nombreux programmes d’aide pendant la pandémie n’a pas facilité leur transition, elles qui dépendaient de ces services pour répondre à plusieurs de leurs besoins essentiels lors de leur arrivée.

Ensuite, les barrières linguistiques et les changements fréquents de directives sont des facteurs qui compliquent la pleine compréhension des mesures sanitaires. Certaines personnes réfugié·e·s ayant eu accès aux services de la Clinique rapportent ne pas avoir compris les consignes de sécurité, allant jusqu’à se demander si elles pouvaient aller faire l’épicerie, si elles devaient barricader leurs fenêtres, ou si elles pouvaient simplement sortir prendre l’air.

Pour répondre à l’urgence? Place à l’innovation!

Comment arriver à faire une évaluation globale de l’état de santé et de bien-être des personnes réfugiées, tout en leur transmettant les informations cruciales en contexte de crise sanitaire? C’est la question que s’est posée la Clinique santé des réfugiés. Sa solution : mettre au point un nouvel outil de dépistage pour aider les familles réfugiées pendant la pandémie. Divisé en sept sections, cet outil a documenté les symptômes émotionnels, comportementaux et physiques, ceux associés à la COVID-19, les interventions réalisées par la Clinique, les opinions des professionnel·le·s et leurs recommandations, ainsi que les suivis.

Comment l’initiative a-t-elle concrètement été mise en œuvre? Par des entretiens téléphoniques menés en deux étapes, lors des deux premières vagues de la pandémie, au printemps et à l’automne 2020. Ceux-ci ont été réalisés par les travailleuses sociales et les infirmières de la Clinique avec l’aide d’interprètes. Ce sont ainsi plus de 500 personnes qui ont été rejointes avec parmi elles, des enfants de moins de 16 ans. Et les résultats? Très encourageants! En effet, après le premier appel téléphonique de dépistage, les intervenant·e·s ont constaté que les personnes réfugiées étaient plus enclines à reprendre contact avec la Clinique en cas de besoin. Lors de ces communications, elles sollicitaient de l’aide pour des préoccupations personnelles, des besoins psychosociaux ou des problèmes de santé physique. Dans un premier temps, les intervenant·e·s ont remarqué que certaines personnes bénéficiaient déjà d’un suivi dans d’autres programmes du réseau de la santé et des services sociaux, ce qui créait des interventions en double. Puis, la deuxième série d’appels visait à renouer le contact avec les personnes isolées, privées de services ou en grande difficulté. Celle-ci a permis de mieux cerner et répondre à des besoins nouveaux, non exprimés lors du premier contact.

La question qui est sur toutes les lèvres : quelles sont les retombées de l’adaptation des services de cette Clinique unique en son genre? Les interventions téléphoniques auraient clairement eu des effets positifs, notamment préventifs. Réalisées dès les premiers jours du confinement, elles ont aidé à prévenir la détresse psychologique et à éviter l’aggravation de certains problèmes de santé. Également, en maintenant la continuité des services offerts, elles auraient permis d’assurer la satisfaction des familles usagères de la Clinique. Grâce à ces actions, les familles ont pu réactiver leurs forces et mécanismes de protection, notamment leur résilience, leur sentiment de sécurité et leur bien-être. En fournissant des informations claires sur la situation sanitaire et offrant un service adapté, la Clinique a grandement contribué à normaliser les émotions vécues et à renforcer le lien de confiance avec les personnes réfugiées. Ainsi, grâce aux interventions, les familles ont vu leur compréhension des informations augmenter, et leur anxiété diminuer.

« Les gens étaient très, très, très très rassurés d’être appelés par la Clinique santé des réfugiés. Il se sentaient pris en considération et importants puisqu’on avait pensé à eux. » – Intervenant·e de la Clinique

Réinventer le soutien!

En accueillant et soutenant les familles réfugiées face à des défis de taille, notamment en période de pandémie, les différent·e·s professionnel·le·s des services sociaux et santé du Québec jouent un rôle indispensable. L’outil novateur instauré par la Clinique santé des réfugiés de Québec, avec son adaptation rapide et ciblée, a démontré l’importance de la réactivité et de la créativité. Et ce, autant dans la mise en place de méthodes pour répondre aux besoins spécifiques d’une population vulnérable en période de crise, que pour surmonter les obstacles de l’accès aux services. Est-ce que cet outil serait suffisant pour maintenir l’accès aux services essentiels aux familles réfugiées si une autre crise majeure venait qu’à frapper le pays? Répondre avec certitude est difficile, mais une chose est sûre : des initiatives comme celle de la Clinique santé des réfugiés de Québec montrent qu’il est capital de reconnaître la vulnérabilité des personnes réfugiées en temps de pandémie et de comprendre leurs besoins en amont pour rapidement adapter ou créer des outils efficaces pour les soutenir.