À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume le chapitre « La révolution des genres de vie » de Simon Langlois, dans La sécurité sociale au Québec : histoire et enjeux, sous la direction de Denis Latulippe, publié en 2016, Québec, Presses de l’Université Laval, p. 107-135.

  • Faits saillants

  • Les politiques sociales de la province font changer la situation économique des Québécois depuis quelques décennies.
  • Grâce à la mise en place de programmes, certains ménages plus vulnérables (monoparental, personne seule, etc.) peuvent faire partie de la classe moyenne.
  • Les femmes sont aujourd’hui plus nombreuses à occuper des emplois mieux rémunérés, alors qu’elles occupaient autrefois des emplois associés à des rôles traditionnellement féminins.

Aide sociale, impôts, assurance maladie, services de garde subventionnés, congé parental… Les politiques sociales québécoises ont un impact sur le portefeuille et le mode de vie des familles. Résultat? La composition de la classe moyenne, la situation des familles monoparentales et la répartition des dépenses des foyers ne sont plus du tout les mêmes qu’autrefois.

Simon Langlois, sociologue et professeur de l’Université Laval, cherche à comprendre quels sont les changements notables survenus dans l’économie des ménages depuis l’apparition des politiques sociales jusqu’à aujourd’hui. Nous reprenons ici quelques points saillants de ce portrait global.

Des familles monoparentales moins pauvres

De manière générale, le revenu brut des ménages augmente depuis quarante ans. Après avoir stagné dans les années 1980, il connait une hausse au début des années 1990, une tendance qui se poursuit jusqu’au début des années 2000. Entre 1980 et 2006, la hausse moyenne des revenus des foyers après impôts est de 9 %. Fait marquant : ce sont les familles monoparentales qui jouissent de la plus grande augmentation durant cette période, soit près de 47 %!

Graphique 1. Hausse moyenne des revenus selon le type de ménage entre 1980 et 2006

Comment expliquer ce phénomène? D’abord, les mères monoparentales sont plus susceptibles qu’autrefois d’occuper un emploi bien rémunéré. Ensuite, les mesures fiscales adoptées par l’État contribuent à l’amélioration de leurs revenus. Mais attention! Malgré cette hausse, les familles monoparentales demeurent parmi les ménages les plus pauvres; après tout, elles ne peuvent compter que sur un seul salaire.

La composition de la classe moyenne a évolué au cours des dernières décennies. De plus en plus de personnes seules et de familles monoparentales en font aujourd’hui partie, grâce à la mise en place de politiques qui avantagent les ménages plus vulnérables économiquement (ex. : allocations, transferts, services publics).

Les femmes et le marché du travail

Le Québec a grandement investi dans son système d’éducation dès le début de la Révolution tranquille, ce qui a eu des répercussions sur la distribution des travailleurs selon le secteur d’emploi. Afin de dresser un portrait de la situation, l’auteur a analysé l’évolution du nombre de travailleurs selon leur emploi entre 1971 et 2011. De plus en plus d’individus, peu importe leur sexe, se retrouvent dans le secteur tertiaire, c’est-à-dire dans la production de services (ex : ventes, administration, finances, etc.).

Pourquoi? Deux explications : d’abord, puisque le gouvernement a investi dans l’éducation, la province compte un nombre grandissant de diplômés pouvant accéder à des emplois qualifiés. Un autre facteur qui influence cette répartition est l’entrée des femmes sur le marché du travail à partir des années 1960. Au départ, elles occupaient surtout des emplois associés à des rôles traditionnellement féminins. Aujourd’hui, elles travaillent dans des secteurs beaucoup plus variés. D’ailleurs, les femmes sont de plus en plus nombreuses à occuper des emplois mieux rémunérés, ce qui réduit le déséquilibre des revenus entre les sexes.

Graphique 2. Distribution des femmes actives sur le marché du travail en 1971 (gauche) et en 2011 (droite)

Le Québec s’en tire mieux que le reste du Canada

Les Québécois et Québécoises sont moins pauvres que leurs confrères et consœurs du reste du Canada. Il est possible d’estimer le taux de pauvreté selon le « panier moyen de consommation » (MPC), soit le coût d’un panier de biens et services correspondant à un niveau de vie de base (nourriture, habillement, logement, etc.). Selon cette mesure, le taux de faible revenu est plus faible au Québec (10,8 %) qu’en Ontario (14 %) et que dans le reste du Canada (12 %). On peut donc dire que les mesures prises par le gouvernement québécois pour réduire les inégalités, comme le programme d’aide sociale, portent fruit.

Fait intéressant : la pauvreté serait un état transitoire pour plusieurs ménages. Selon une étude de Statistique Canada, « un peu moins de la moitié des ménages pauvres ne le sont plus après deux ans, ayant été remplacés par un contingent à peu près équivalent de nouveaux pauvres. »[1] En effet, l’auteur remarque que plusieurs personnes accèdent à un meilleur statut après une brève période. C’est que, dans plusieurs cas, la baisse de revenus est causée par la perte d’un emploi. L’arrivée d’un nouveau gagne-pain vient souvent rétablir la situation.

Des politiques sociales en constante évolution

La situation économique des femmes et des familles monoparentales s’est améliorée ces dernières décennies, notamment grâce aux politiques sociales qui avantagent les ménages dans le besoin. Ces politiques influencent grandement ce que dépensent les ménages québécois. Le programme d’assurance maladie, par exemple, a réduit le pourcentage moyen de dépenses alloué à la santé.

La tendance serait-elle aujourd’hui au retour en arrière? De nouveaux biens et services de santé sont offerts, mais ne sont pas couverts par l’État, ce qui contribue à la hausse des dépenses moyennes des ménages en santé (ex : nouveaux médicaments coûteux, nouvelles technologies permettant de corriger la myopie). Quels biens et services doivent être considérés de première nécessité et être couverts? Ces nouveaux besoins viennent poser tout un défi au système de sécurité sociale, et les politiques et programmes devront inévitablement s’adapter à de tels changements.