On s’attend à ce qu’elles mettent un frein à leur carrière lorsqu’elles ont des enfants, et elles reçoivent, encore aujourd’hui, un salaire moindre que les hommes pour un travail équivalent… Au XXIe siècle, les femmes ne sont toujours pas égales à leurs homologues masculins.
Bien que la situation des femmes sur le marché du travail se soit améliorée avec le temps, certaines inégalités demeurent, notamment au plan de la rémunération et du taux d’emploi. Pourquoi? Cela est dû, notamment, au poids des responsabilités familiales qui repose en grande partie sur les femmes, particulièrement lorsqu’elles ont de jeunes enfants.
L’auteure du chapitre Les femmes et le travail rémunéré, qui détient un doctorat en sociologie, analyse la situation des Canadiennes sur le marché du travail, ainsi que l’évolution de leur situation au fil du temps. Le rapport est basé sur les données annuelles de l’Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada, menée auprès d’environ 56 000 ménages canadiens, dont un peu plus de 10 000 ménages québécois. Les données, recueillies mensuellement, sont présentées sous forme de moyennes annuelles. Bien que l’EPA soit menée à l’échelle nationale, il sera ici davantage question de la situation au Québec.
Des services de garde abordables pour réduire l’écart entre les sexes
Au Canada, l’écart entre les sexes au chapitre de l’emploi a fortement diminué depuis 1950, sans pourtant disparaître. Le taux d’activité des femmes sur le marché du travail a grimpé en flèche, passant de 21,6 % en 1950 à 82 % en 2015. Autrement dit, environ une femme sur cinq occupait ou cherchait un emploi en 1950, contre huit sur dix en 2015! Celui des hommes, pour sa part, a légèrement diminué entre 1950 et 2015, passant de 97,1 % à 90,9 %. En 2015, la différence entre les hommes et les femmes au plan de l’activité professionnelle était de 8,9 %.
Graphique 1. Taux d’activité (%) des femmes et des hommes de 25 à 54 ans sur le marché du travail au Canada, 1950 et 2015
L’écart entre le taux d’activité des hommes et celui des femmes varie selon les provinces. Au Québec, il est parmi les plus petits au pays, soit 3,9 %. Comment expliquer cela? Pour l’auteure, cela passe entre autres par la mise en place du système québécois de garderies à contribution réduite, à partir de 1997, et par l’augmentation du crédit d’impôt remboursable pour frais de garde, en 2009. Grâce à cela, les frais de garde québécois sont les plus bas de tout le pays, ce qui favorise leur utilisation et, par le fait même, facilite l’accès des femmes au marché du travail.
Une conciliation travail-famille à géométrie variable
Au fur et à mesure que les enfants grandissent, les mères sont de plus en plus nombreuses à retourner au travail. Sept femmes sur dix ayant un enfant de moins de 6 ans occupent un emploi, alors que la proportion grimpe à huit sur dix chez celles dont le plus jeune enfant a entre 12 et 17 ans. Ainsi, l’âge des enfants a encore une influence sur le taux d’emploi des mères. Au contraire, il a très peu d’incidence sur celui des hommes. Fait intéressant : en moyenne, les mères travaillent un plus petit nombre d’heures que les femmes sans enfants, alors que les pères travaillent plus d’heures que les hommes sans enfants. L’auteure ne propose pas d’interprétation pour expliquer ce phénomène.
Graphique 2. Heures hebdomadaires travaillées par les pères et les mères selon l’âge du plus jeune enfant dans le ménage, 2015
À compétences égales, salaire inégal
L’écart salarial entre les sexes suit une même tendance que le taux d’activité : bien que la situation des femmes s’améliore avec le temps, d’importantes inégalités subsistent. Les femmes sont de plus en plus scolarisées, ce qui favorise l’accès à des emplois mieux rémunérés et contribue à diminuer l’écart entre leur salaire et celui des hommes. En 2015, au Canada, les femmes touchaient en moyenne 0,87 $ pour chaque dollar gagné par les hommes[1]. Ce ratio était d’environ 0,75 $ en 1986.
Selon d’autres écrits, l’écart salarial entre les hommes et les femmes s’expliquerait, notamment, par la discrimination fondée sur le sexe ou le fait que les femmes choisissent plus souvent un emploi facilement conciliable avec les responsabilités familiales, et donc souvent moins payant. Une autre hypothèse avancée par la littérature scientifique : les femmes éprouveraient plus de difficultés que les hommes à négocier leur salaire.
Quand monoparentalité rime avec inégalité
Être monoparental peut-il constituer un frein à l’emploi? Oui, et comme les femmes sont à la tête des trois quarts des familles monoparentales[2], elles sont particulièrement affectées par cette situation. S’occuper seule d’un enfant peut, en soit, être difficile, alors quand il s’agit de concilier cette responsabilité avec les tâches domestiques et un emploi… Dans ces conditions, certains parents réduisent considérablement leurs heures de travail, ou renoncent parfois tout simplement à travailler, avec des conséquences évidentes sur leur revenu.
Le Québec, grand champion du congé parental
Lors d’une naissance, quel est l’impact du congé parental pour les travailleurs? Au Québec, les parents ont accès au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP), mis en place en 2006. Ce dernier est beaucoup plus généreux et accessible que le programme fédéral d’assurance-emploi qui touche le reste du Canada; les parents québécois peuvent donc prendre un congé parental plus long et sont plus nombreux à être couverts que dans les autres provinces.
D’ailleurs, le RQAP comprend un congé de paternité non transférable de cinq semaines, auquel souscrivent la majorité des pères. Leur engagement accru auprès des enfants favorise l’égalité entre les hommes et les femmes et permet aux mères de retourner plus rapidement au travail.
Un pas à la fois
Encore de nos jours, à compétences égales, les femmes ont un salaire moins élevé que celui des hommes, et sont plus nombreuses à devoir travailler à temps partiel pour remplir leurs responsabilités familiales. Ainsi, bien que la situation des femmes sur le marché du travail s’améliore sur plusieurs plans depuis cinquante ans, il reste encore beaucoup de chemin à faire pour atteindre l’égalité. Le Québec, grâce à ses programmes avantageux pour la conciliation travail-famille, semble être sur la bonne voie.
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[1] En 2015, les femmes touchaient en moyenne 26,11 $ l’heure, alors que les hommes gagnaient en moyenne 29,86 $, ce qui correspond à un ratio entre les salaires des femmes et des hommes de 0,87.
[2] Gouvernement du Québec. (2018). Bulletin « Quelle famille? », vol. 6, n° 3, p. 17.