À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article de Renée Dandurand, « La politique québécoise Les enfants au cœur de nos choix : Un pari audacieux néanmoins gagnant », publié en 2020 dans la revue Enfances Familles Générations, no 35.

  • Faits saillants

  • Malgré le contexte peu favorable de l’époque, le gouvernement québécois remporte son pari avec sa nouvelle politique familiale de 1997.
  • En 1997, le contexte économique difficile n’empêche pas des groupes de différents horizons de se mobiliser pour une politique familiale québécoise à saveur sociale.
  • Plus de vingt ans après sa création, les bénéfices de la politique familiale, comme le retour des mères au travail, compensent les coûts associés à sa mise en place.

La politique familiale du Québec est reconnue comme l’une des plus généreuses et accessibles en Amérique du Nord. Pourtant, à l’époque de sa mise en place, la partie n’est pas gagnée d’avance. Dans un contexte où les coupes budgétaires et l’accroissement du privé sont à la mode, une politique comme celle-ci est un pari audacieux. Alors ce pari, a-t-il été remporté, oui ou non ? Plus de 20 ans plus tard, tout semble indiquer que oui !

Professeure associée de l’Institut national de la recherche scientifique, Renée Dandurand s’intéresse depuis plus de 40 ans aux réalités familiales du Québec. Grâce à son travail de recherche étalé sur plusieurs décennies, elle reconstitue l’histoire de la politique familiale. Une chose est certaine : le contexte de son implantation en 1997 ne lui laissait pas présager un avenir radieux. Et pourtant !

Politique généreuse sur fond de déficit public : les contraires s’attirent !

Le moins qu’on puisse dire, c’est que le vent souffle dans toutes les directions avant la création de la politique familiale Les enfants au cœur de nos choix. À l’époque, le déficit public se creuse à vue d’œil et la volonté d’un retour au déficit zéro est sur toutes les lèvres politiques. À l’heure des coupes dans les programmes publics, de nouvelles mesures généreuses pour les familles semblent aberrantes et hors sujet. À quoi bon rebrasser les cartes des considérations familiales, alors que l’on vient tout juste d’élaborer une politique encourageant la natalité ? Depuis 1988, chaque famille qui s’agrandit reçoit jusqu’à 8 000 $ à la naissance d’un enfant. Toutefois, ces « bébé-bonus », comme les appellent les médias, sont jugés rapidement et sévèrement. Si l’on constate une légère hausse des naissances après leur implantation en 1988, les familles ne bénéficient d’aucun autre soutien après les naissances, et l’effet si positif s’estompe. 

Puisque la marmite sociale est en voie d’exploser, d’autres avancées sont donc nécessaires. La famille ressort comme un enjeu important lors des grandes consultations menées avant le référendum de 1995, ce qui ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd au gouvernement péquiste. En parallèle, des mouvements féministes, de lutte contre la pauvreté ou encore des organismes familiaux font pression pour un engagement plus grand envers les familles et les femmes. Vers où le Québec penchera-t-il ? La question se pose et la réponse se cherche.

Risque calculé ou failles négligées ?

Réseau de services de garde, congé parental, soutien financier : ça y est, la nouvelle politique familiale est déposée ! Mais audacieux est le pari, incertaine est l’issue. Plusieurs questions restent en effet en suspens sur les centres de la petite enfance (CPE). Les familles (et les mères) vont-elles vouloir utiliser ces services ? Accepteront-elles que d’autres personnes s’occupent de leurs enfants ? La question semble dépassée aujourd’hui, mais elle a bel et bien existé. 

Pourquoi miser sur les CPE ? En plus de permettre aux mères d’accéder au marché du travail, on croit qu’ils favorisent l’égalité des chances entre chaque enfant d’accéder à une éducation de qualité. Or, peu de bambins fréquentent la garderie à ce moment, donc difficile de juger si ces lieux de garde influencent ou non leur développement. Encore une fois, le gouvernement avance dans le noir.

Pour la promesse d’un nouveau congé parental, l’incertitude vient d’Ottawa. Le gouvernement québécois doit négocier avec le fédéral pour parvenir à une entente. Or, celui-ci avait déjà failli à ses promesses dans le dossier des garderies. Les sommes promises pour un réseau public sont restées utopiques. Pourquoi serait-ce différent avec le congé parental, d’autant plus qu’un congé de la sorte existe déjà au fédéral ?

Les allocations familiales et le déficit zéro font aussi sourciller. Le gouvernement répète à qui veut l’entendre qu’il faut assainir les finances publiques, mais injecte des millions en allocations et autres dépenses pour la famille. Contradiction ou revue des priorités ? Seul l’avenir le dira…

Retrouver sa mise ?

Quel est l’héritage de la politique familiale plus de 20 ans plus tard ? Pour la chercheure, malgré les écueils, c’est une réussite pour le pari de l’époque. Par exemple, les CPE connaissent un engouement monstre, ce qui traduit un besoin criant. Une solution d’un côté, une nouvelle problématique de l’autre : les places en CPE ne sont pas extensibles, et devant la difficulté d’en créer de nouvelles au public, on fait appel au privé pour compenser. Bémol ? Si la qualité des services est excellente en CPE, le portrait est plus nuancé dans les établissements privés, signe qu’on a réussi à améliorer l’éducation au préscolaire… pour certains jeunes seulement.

Côté économique, la politique familiale améliore sans aucun doute le bien-être des familles québécoises. Certains experts vont même jusqu’à dire que le Québec est le paradis des familles ! Mais est-ce que cette victoire s’est faite au détriment du déficit budgétaire ? Que nenni, soutient la spécialiste ! L’entrée massive des femmes sur le marché du travail permet au contraire d’absorber tous les coûts de ces nouveaux services, et plus encore ! 

Et maintenant ?

La politique familiale est donc un succès sur plusieurs facettes, mais ce n’est pas non plus un sans-faute. Encore aujourd’hui, les gouvernements essaient de régler les problèmes engendrés par la politique familiale, comme le nombre de places restreint en garderie. Le ministre de la Famille est même allé jusqu’à dire que le modèle « ne fonctionne plus » et qu’il fallait revoir le processus en profondeur. Serions-nous à l’aube d’une nouvelle politique familiale revue et corrigée qui passerait par les CPE ?